Réforme du DUERP : rapport critique de l’IGAS

cumeo- avignon

 

Auteur : Jean-Baptiste PLANCHIN

«Gérer et accompagner l’imprévisible sans oublier l’humain. Telle est mon idée directrice en qualité de facilitateur ou de responsable associatif. Motivé par l’enrichissement collectif des compétences, que je n’ai de cesse de rafraichir constamment mes connaissances, de me renseigner sur les dernières techniques d’apprentissage chez l’adulte et sur les nouvelles avancées dans le secteur de la neuro-pédagogie pour proposer des séquences de formations enga-geantes et interactives pour favoriser l’apprentissage et ainsi tou-jours mieux accompagner les professionnels et acteurs. »

 

Dans un rapport publié en décembre 2023, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) désapprouve la réforme du DUERP portée par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, dite « santé au travail », tant sur l’impact apporté sur la traçabilité des expositions que sur sa communication externe source d’un appauvrissement de l’évaluation des risques et d’une réduction à de simples formalités administratives destinées à la couverture juridique de l’employeur.

L’IGAS souligne que la réforme « se heurte à de nombreuses incohérences » tant sur sa place dans la réforme de la santé au travail que sur sa finalité. La réforme ne modifie pas « les règles de réalisation des DUERP dont la qualité reste très inégale ». En effet d’après les enquêtes de la DARES 2013-2019, la part des entreprises et établissements ayant produit ou actualisé le DUERP n’est passé de 44,0 % qu’à 46,4 %. Cette moyenne masque des fréquences de réalisation très inégales selon la taille des structures du secteur privé (40 % < 10 salariés et plus de 90 % > 250 salariés). Le rapport souligne également que « les contrôles réalisés par l’inspection du travail restent sporadiques, sauf en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle donnant lieu à une enquête. »

Une des principales mesures de la réforme, la communicabilité du DUERP hors de l’entreprise, est vue comme pouvant risquer de la « fragiliser et d’affaiblir la prévention ».

Cette communicabilité non seulement « dénaturerait le caractère d’archive privée de ce document » mais pire encore « le secret des affaires voire celui de la défense nationale ainsi que la sécurité publique et la sécurité des personnes risqueraient d’être mises en cause ».

A l’heure de la communication instantanée et de la désinformation accrue, « la diffusion externe de DUERP ou d’extraits de ceux-ci pourrait fragiliser l’image des entreprises, par l’instrumentalisation de ces documents. »

Face ces risques externes à la prévention des risques, les entreprises censées transmettre un DUERP à d’anciens travailleurs réagiraient en neutralisant l’évaluation des risques »

En parallèle de ces risques, « l’évolution des règles d’accès au DUERP a entendu conférer de nouveaux droits aux travailleurs et aux anciens travailleurs, au motif allégué d’une « traçabilité des expositions », sans que les effets n’aient été anticipés », peut-on lire dans le rapport de l’IGAS.

Que dire d’une entreprise qui censée transmettre au nom d’une logique de « transparence » un DUERP à d’anciens travailleurs réagirait « en neutralisant l’évaluation des risques » afin de limiter sa responsabilité lors « des démarches de réparation, notamment contentieuses : reconnaissance de maladie professionnelle, d’après les tableaux ou par la voie complémentaire, actions en justice susceptibles de se multiplier et mettant en cause la faute inexcusable de l’employeur ».

Quelles complications pour les actions des organes de contrôle interne et externe des entreprises qu’induirait l’altération du contenu du DUERP voire « la banalisation des DUERP » ?!

Autre mesure phare pointée du doigt par le rapport de l’IGAS, le portail unique de recensement des DUERP prévu pour conserver ces documents pendant 40 ans. Ce dernier est jugé infaisable en raison de son coût financier élevé et du caractère « secret » de ces données. Pour le remplacer, l’IGAS préconise une transmission régulière aux instances représentatives du personnel, à l’administration du travail et aux services de prévention.

En définitif, le DUERP s’axe de plus en plus sur « la traçabilité de l’exposition des travailleurs » et perd ainsi sa vocation première « d’outil de prévention ».  C’est ainsi que l’IGAS appelle le gouvernement à réviser le dispositif actuel pour restaurer ce rôle premier A ce titre, il recommande de « créer une sanction administrative pour non-respect des différentes obligations liées au DUERP, afin de renforcer l’effectivité de celles-ci. » ainsi que la mise en place d’une « doctrine de vigilance » en matière de rédaction du DUERP à destination des employeurs.

En savoir plus : lire le rapport de l’IGAS « Réforme du document unique d’évaluation des risques professionnels : état des lieux et propositions » de mai 2023 publié en décembre 2023